
La route nationale (RN) numéro 12 prend naissance à Tizi-Nath-Icha ou Thénia dans le centre de la wilaya de Boumerdès où elle fait jonction avec la RN5 (Alger-Constantine). Elle traverse d’importantes agglomérations de la Haute et Basse-Kabylie pour aboutir 250 km plus loin à Béjaïa. Entre Thénia et la ville de Tizi-Ouzou on peut compter aisément plus de 50 000 véhicules de tous poids circulant chaque jour.
Cette route est vitale pour la partie Est de la wilaya de Boumerdès à partir de Si-Mustapha et toute la wilaya de Tizi-Ouzou. Environ 90% des approvisionnements de plus de
2 millions de personnes et le déplacement de dizaines de milliers d’usagers passent chaque jour par la RN12. Elle est quasiment l’unique lien entre le nord de la Kabylie et la capitale du pays.
La RN 24 (Alger/Azzefoun) dont le dédoublement n’arrive qu’à Zemmouri, dans la wilaya de Boumerdès, ne remplit pas les conditions pour être un axe routier complémentaire. La RN 12 restera longtemps un axe hautement stratégique pour Tizi-Ouzou et toutes ses agglomérations.
Une arène pour dénoncer le marasme social
Conscients de ces données sensibles, les citoyens l’utilisent comme moyen pour exposer leurs doléances et se faire entendre par les autorités. Les fermetures se comptent, en effet, par dizaines chaque année dans les wilayas de Boumerdès et Tizi-Ouzou. Les populations descendent dans cette route avec des listes de doléances pour réclamer la sécurité, de l’eau, des routes, des salles de soins, des logements, des classes scolaires, de l’électricité, du gaz naturel ou du travail. Dès les premiers instants de la fermeture, les bouchons se forment sur plusieurs kilomètres. Des centaines d’automobilistes, souvent ils se comptent par milliers, sont, dès lors, piégés pendant des heures. Ce qui leur cause d’énormes désagréments. La semaine passée, une dame est décédée dans un bouchon causé par une manifestation qui a vu les citoyens de Tadmaït (Tizi-Ouzou) barrer cette route pour protester. Les organisateurs de cette manfestation de rue n’auraient sûrement pas souhaité être la cause de ce drame. Mais ce drame a bien eu lieu.
Dans ce genre de manifestations légitimées par la prise en charge par des associations ou des comités de villages qui en sont, généralement, les maîtres d’œuvre, quelquefois des débordements sont enregistrés. A des endroits isolés, des voyous agressent des automobilistes coincés dans les bouchons pour les délester de leurs biens (bijoux, portables,..). Cette route est, par ailleurs, un indicateur social. Au vu du nombre élevé de blocages, la RN12 est révélatrice du marasme économique et social dont souffrent les populations des localités de l’est de Boumerdès et de Tizi-Ouzou. D’ailleurs, le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, a eu le mérite de le reconnaître, du moins pour la partie orientale de Boumerdès.
En avril 2017, lors de sa venue afin de sensibiliser les citoyens à aller aux urnes, il nous déclarait : «L’est de la wilaya de Boumerdès doit être boosté pour sa mise à niveau.» Et d’ajouter : «Ce que je voudrais dire, si nous insistons sur le côté Est c’est parce que c’est celui qui a le plus souffert des affres du terrorisme des années 1990.» Il est évident que le wali, Abderrehamane Madani Fouatih, qui a été désigné il y seulement quelques mois, est la source qui a soufflé ce bilan négatif au ministre. Au mois de juillet, une enveloppe de 267 milliards de centimes a été affectée pour concrétiser la promesse du ministre. Mais la DAL (Direction de l’administration locale) et, surtout, l’APW en ont décidé autrement. Au final, la région de l’est de Boumerdès n’a eu, d’après nos calculs, que 29,89% de cette somme.
Encore une fois, c’est grâce à la RN12 qu’on pourrait faire l’analyse politique de cette marginalisation de l’est de Boumerdès qui ne dit pas son nom. Cette région ne vote que très timidement. Les électeurs, plus politisés, n’y croient plus et ne répondent plus aux sollicitations des partis politiques. Sa représentation est, par conséquent, insignifiante en nombre. Elle est en outre de moindre qualité. Les deux ou trois personnalités qui peuvent faire quelque chose, craignant d’être taxés de régionalistes, se taisent et laissent faire.
Dégradation et danger pour la circulation
Au plan technique, cette route se dégrade de jour en jour et devient donc plus dangereuse. Lundi, nous avons effectué le trajet entre Thénia et Tadmaït (Tizi-Ouzou) en aller et retour pour voir son état de plus près. Premier constat, contrairement à ce que l’on pouvait supposer en cette période de grandes chaleurs et de congés, la circulation y est dense.
Sur les deux voies et dans les territoires de Boumerdès et de Tizi, les signalisations horizontales et verticales font cruellement défaut. Il n’y a quasiment plus aucune plaque de signalisation ni de tracés sur la chaussée. Précisément, c’est cette chaussée qui pose le plus gros problème rendant, sur la plus grande partie du trajet, la maîtrise du volant aléatoire surtout de nuit ou par temps pluvieux. Des affaissements de la chaussée poussent les conducteurs à donner des coups de volant brusques pour contourner les nids-de-poule nombreux particulièrement sur l’évitement des Issers.
Nous avons également relevé que les poids lourds ont affaissé la chaussée créant de longues rigoles pouvant être la cause de dérapages surtout la nuit d’autant plus que l’éclairage n’existe pas et aucune plaque ne limite la vitesse. Il y a lieu de noter que la RN12 ne répond plus aux critères de la voie express. Chacun peut constater que des marchands s’installent aux bords de la route créant des risques supplémentaires quand les clients véhiculés s’arrêtent ou redémarrent. Il y a deux ans, il s’est produit un accident mortel à Bordj-Menaïel à cause d’un vendeur de raisin.
Abachi L.